Où est passée la SF militaire francophone ?

Image tirée de Starcaft II © Blizzard Entertainment

Au commencement

Ma première rencontre avec le genre de la SF militaire remonte à l’enfance, le film Aliens (qui n’est pas un film de SF militaire pur et dur, je suis d’accord) et ses marines coloniaux.

Suivirent d’autres films, des jeux vidéo… avant que je ne m’intéresse à la branche littéraire du genre, commençant par un roman dans l’univers de Starcraft (Retour à Bountiful) et poursuivant par la série La Flotte perdue, les classiques Étoiles, garde à vous ! et La Guerre Éternelle, et la série Le Vieil Homme et la Guerre.

Et puis… Et puis voilà. J’avais bien conscience qu’il restait de quoi lire dans le domaine, mais je ressentais quand même une certaine frustration face à l’offre bien maigre en comparaison d’autres genres de l’Imaginaire, comme la toujours populaire fantasy.

La cruelle réalité

Que fabriquaient les éditeurs ? Il devait sans doute y avoir davantage à traduire ! Et les écrivains francophones, qu’attendaient-ils ? Je ne pouvais quand même pas être le seul à aimer le genre et à en écrire, si ?

Avec le temps, j’ai pris conscience de deux vérités terribles : la première, c’est qu’il existe pléthore de romans à traduire en provenance des pays anglo-saxons. Le genre est en effet extrêmement populaire en langue anglaise (il n’y a qu’à regarder sur Amazon.com, taper “military sci-fi” dans la barre de recherche pour s’en convaincre).

La seconde, c’est que s’il existe des auteurs francophones de SF militaire, ils n’ont probablement aucune chance d’être publiés par un éditeur.

Pourquoi ? Parce que la SF militaire ne se vend pas bien par chez nous, l’attrait pour ce genre n’est pas dans notre culture (et c’est vrai, quand je repense à tous les romans/jeux vidéo/films/séries que j’ai pu découvrir dans le domaine, je n’ai aucun souvenir d’avoir croisé le chemin de SF militaire francophone), c’est un marché de niche.

Alors que font les rares éditeurs qui en publient ? Ils ne prennent pas de risques et se contentent de traduire les œuvres qui ont cartonné chez nos voisins. On ne peut pas leur en vouloir, mais c’est tellement regrettable !

Pour le lecteur, il ne reste plus qu’à se mettre à la lecture en anglais, ce que tout le monde n’a pas envie de faire, quelle que soit la raison.

Et l’auteur francophone qui veut être publié ? Il met son manuscrit de côté et il écrit autre chose. Ou il s’essaye à l’édition indépendante. Comme moi.

Je ne sais pas encore ce que ça va donner (le livre n’est pas encore en vente, j’attends la couverture), mais je ne peux qu’espérer que le public (vous qui me lisez !) sera au rendez-vous.

Je ne m’attends pas à gagner des fortunes avec mes histoires qui seront affiliées à la SF militaire, mais si j’ai choisi de laisser tomber l’édition traditionnelle, c’est bien en partie parce que j’ai envie d’écrire ce que je veux, que je vende cinq ou cinq mille exemplaires.

Et puis, s’il y a bien quelque chose d’enthousiasmant à l’idée de se positionner sur un marché de niche (outre le fait de pouvoir dire “j’en écrivais avant que ce soit cool”), c’est qu’on ne risque pas d’être écrasé par la forte concurrence.

L’inconvénient, c’est que, qui dit marché de niche, dit aussi être la vitrine du genre, qu’on le veuille ou non. Ça ne m’inquiète pas vraiment, pour la simple raison que je mets toujours tout mon cœur et mon savoir-faire dans l’élaboration de mes histoires et que malgré tous mes efforts, certains n’aimeront pas, c’est le jeu.

J’espère simplement pouvoir montrer qu’on peut écrire de la SF militaire de qualité en francophonie et lui apporter une touche “locale”.

Ce serait déjà pas mal pour promouvoir le genre, non ? Avec peut-être quelques articles de fond ? C’est une idée, je vais y réfléchir, voir si je peux vous proposer quelque chose d’intéressant et, si possible, un peu original.

Quand la science fait peur

Mais restons quand même réalistes : le genre n’a guère de chances d’exploser. Même si elle a eu son heure de gloire à une époque, la science-fiction, de manière générale, n’est pas plébiscitée par le grand public francophone… en littérature.

C’est ballot, comme on dit ! Puisqu’elle ne manque pas dans les autres médias, notamment le cinéma et la télévision (de Star Wars à Seul sur Mars en passant par Westworld et Doctor Who). Un phénomène qui est peut-être dû au fait que les gens en consomment sans forcément savoir que ça en est, et qu’il est plus facile et « moins intimidant » de regarder la télé que de choisir un livre.

Je ne veux pas avoir l’air de me la raconter, hein, mais il faut reconnaître que la lecture est une activité un poil plus intellectuelle et moins grand public que de s’asseoir devant un film.

Alors quand, en plus, le genre commence par « science », ça fait reculer (et je le comprends, dire que je n’ai pas l’esprit scientifique est un euphémisme), donc commencer à fouiller dans les sous-genres pour trouver la SF militaire (faut-il encore savoir que ça existe ailleurs qu’à la télé), on comprend encore mieux pourquoi la situation craint.

C’est d’autant plus dommage parce que la « science » se situe souvent en filigrane de la « fiction ».

C’est le cas dans mon bouquin, Horizon Obscur, où je raconte avant tout l’histoire de vétérans qui font face à un changement difficile qu’on leur impose. La technologie est là, mais je ne m’attarde pas dessus, je ne la décris pas en long et en large parce que, clairement, ça ne m’intéresse pas.

Et c’est pareil dans pas mal d’autres bouquins. Prenez ceux que j’ai cités plus haut, pour rester dans le domaine qui nous intéresse, la science est là, oui, mais ça reste léger, parce que le but de l’auteur n’est pas de vous parler de ça.

En littérature comme au cinéma (la plupart du temps), le terme « science-fiction » sert avant tout souvent de décor. Et s’il existe des bouquins de science-fiction militaire où la science est abordée de manière très pointue (arrêtez de rire, vous, là, au fond, ne me dites pas que vous en êtes encore à croire que toute œuvre du genre se limite à gros muscles, gros flingues et grosses explosions ?), ce n’est donc pas le cas de la majorité.

Alors si vous hésitiez, allez-y, lancez-vous, mais ayez une pensée pour les auteurs indépendants de SF militaire francophone, d’accord ?

Cet article vous a plu et vous ne voulez pas louper les prochains ? Sympa ! Vous devriez peut-être cliquer ici, du coup.

Commentaires récents

  • L'amateur d'aéroplanes
    6 avril 2021 - 04:58 · Répondre

    Sur le forum Air Défense, nous avions fait le constat que les techno-trillers et en apparté SF militaire français sont rarement présent dans les rayons des librairies. J’ai fait sous le pseudo de Collectionneur avec d’autres intervenants une liste incomplète de titres sur le sujet. Plus de neuf sur dix sont des auto publications… Il faudra que je rajoute votre titre :

    http://www.air-defense.net/forum/topic/20432-techno-thrillers-fran%C3%A7ais/

    • Thomas Baronheid
      6 avril 2021 - 12:02 · Répondre

      Oui, triste constat pour les amateurs. C’est hélas culturel, comme je le disais, et on ne peut sans doute pas blâmer les éditeurs de ne prendre que des risques financiers moindres en publiant des auteurs anglo-saxons renommés.
      Reste aux auteurs francophones passionnés à se lancer comme indépendants et à construire leur propre communauté de lecteurs en tâchant de leur proposer des œuvres de qualité !
      Merci beaucoup pour le partage !

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